
FRANCESCA CONSONNI
Ferdinand Flame est invité pour poursuivre et approfondir l’écriture de son prochain film Un coeur pur, un documentaire à dispositif fictionnel qui s’inspire de l’histoire du groupe de résistants La Main noire.
Il sera accueilli en résidence à Grasse en avril 2026, accompagné de Milan Alfonsi.

Francesca Consonni
Francesca Consonni est réalisatrice et artiste interdisciplinaire. Formée en philosophie à
l’Università degli Studi di Milano, puis en cinéma documentaire et anthropologique à l’Université
de Nanterre et à l’École documentaire d’Ardèche Images, elle développe une pratique cinématographique physique et engagée, inspirée par la méthode de ciné-gym élaborée par Jean Rouch. Son activité se déploie entre création artistique et recherche académique. Dans ses films comme dans ses travaux théoriques, elle explore les formes du portrait, les puissances de l’imagination, les traces de la mémoire et les pratiques de la marche. Elle travaille actuellement sur un projet de film en collaboration avec ses deux frères, dont l’un est trisomique. Ce projet interroge la possibilité de construire des identités fantasmées, entre jeu, projection et récit intime. En parallèle, elle mène une recherche autour des sentieri partigiani, les chemins empruntés par les résistants italiens pendant la Seconde Guerre mondiale, aujourd’hui réactivés par des marcheur·euse·s contemporains. Ce travail explore la relation entre marche, mémoire collective et transmission.

© Nataliya Ilchuk
Mon projet actuel, intitulé Le Roi déménage, est un film consacré à ma famille, et plus particulièrement à mon frère Federico, qui est trisomique. À travers lui, j’explore la frontière entre la réalité et l’imaginaire.
Federico vit entouré d’un monde intérieur foisonnant, peuplé de rois, de nobles et d’amis invisibles qu’il fait dialoguer avec la vie quotidienne.
J’ai déjà commencé à tourner, car le film s’ouvre sur un moment clé :la fermeture imminente du magasin de glaces que mes parents avaient ouvert pour lui offrir un avenir professionnel. Ce tournage est pour moi un geste de sauvegarde, une manière de capter un monde sur le point de disparaître. Mais il a aussi ouvert de nombreuses questions d’écriture.
Aujourd’hui, j’ai besoin de temps et de recul pour repenser la forme du film. Comment articuler la vie réelle avec l’imaginaire de Federico ? Comment faire interagir les créations artistiques de notre petit frère Stefano, peintre et plasticien, avec ce monde invisible ? Comment inventer des dispositifs de mise en scène qui traduisent cette porosité entre réel et fiction ? Pour l’instant, j’ai imaginé la création de portraits incarnant les différents personnages de Federico, mais d’autres pistes peuvent
être explorées : la stop motion, l’animation ou les maquettes.
Federico a été le personnage de mon premier essai filmique. J’ai voulu suivre son quotidien dans un court-métrage que j'avais décidé d'appeler Niente di speciale. Je voulais décrire sa vie ordinaire, telle qu’elle est, sans en faire un héros. Mais je me suis rapidement rendu compte qu’il était impossible de séparer sa vie réelle de son univers imaginaire. Pour Federico, l’imagination n’est pas une échappatoire, mais une manière de vivre pleinement la réalité. Mon petit court-métrage a fini par s’appeler Federico & Co. Sur fond de quotidien, il évoque la vie imaginaire de mon frère et son rapport au jugement des autres.
Depuis ce premier essai, la question de l’imagination traverse ma pratique. Je m’interroge sur le lien qu’elle entretient avec la réalité, sur la manière dont elle en émane et la transforme. Je m’intéresse surtout à la part qu’elle joue dans la construction de l’identité personnelle. Je suis fascinée par ces personnages qui s’inventent des histoires pour résister aux rôles qu’on voudrait leur assigner. Des
figures donquichottesques qui imposent, à leur manière, leur propre version du réel.
